Sandro Godel

Autodidacte, Sandro Godel a pratiqué exclusivement des techniques de peintures dites légère, telles que gouache, encre, aquarelle, tempera durant près de 30 ans. Curiosité et défi l'amènent à s'intéresser à la peinture à l'huile. C'est récent, cela date de deux ans. Il se documente, acquiert ce qu'il lui faut pour se mesurer à ce nouveau mode d'expression. C'est difficile, c'est tout autre chose, il lui faut apprendre, travailler d'arrache-pied, détruire ce qu'il vient de créer et dont il est mécontent.

Godel aime les défis. Nullement découragé par les nombreux problèmes que cette technique noble lui impose, il lit tout ce qu'il peut trouver sur le sujet, résout l’un après l'autre et spontanément les problèmes récurrents posées par le clair-obscur, se référant entre autres à Rembrandt, et s'adonne sans compter à sa nouvelle passion.

À l'inverse des encres et pigments sur papier où elle vit par le blanc, la lumière, tons clairs, est suggérée en dernier par la transparence des glacis. Cela confère une troisième dimension au tableau, une profondeur par la luminosité qui apparaît produite par la réflexion de la lumière sur la couche opaque à travers le glacis.

Pour l'artiste, la pratique de l'huile offre un champ d'investigation sans limites mais elle demande un savoir et un métier incontournables, donc beaucoup de temps, des périodes de lenteur et de réflexion. Dorénavant, l'objectif prioritaire sera de développer avec patience ce médium merveilleux, sans le moins du monde renier le passé totalement assumé.

La peinture de Godel propose un langage semi-abstrait organiquement lié à la terre par ses couleurs et tonalités. Qu’il souhaites, à priori, échapper aux contingences objectives de la réalité n’y change rien. A ce propos, le critique d’Art Roger Pierre Turine écrivait dans La Libre Belgique, lors d’une exposition de Godel à Bruxelles aux printemps dernier:

« … L’exposition est féconde, se diversifie allégrement entre tableaux plus structurés mais toujours empreints de souplesse, et toiles plus aériennes qui n’écartent pourtant pas les turbulences. Un peu comme si les travaux de Godel étaient des fenêtres ouvertes sur des espaces de liberté et d’éclaircies dans un monde qui n’est jamais tout à fait noir ou rose. Il excelle même dans les gris sur gris comme il manie avec délicatesse les ocres. Paysage de l’âme et de l’infini, les tableaux de Godel ne sont surtout pas des abstractions de plus. Ici, quarante chants du monde heureusement aboutis vous embrassent d’un seul tenant le dit et l’indicible. A la perfection technique, aux matières généreusement actives, Godel adjoint une petite cantate humaine, infiniment vibratile… » Permettez-moi de citer également feu Jacques Sterchi qui, en mars 2008, lors d’une exposition Godel à l’ambassade de Suisse à Washington écrivain dans The Wall: « …Dans l’atelier de Sandro Godel, il est une accumulation de toiles et de papiers gravés. Frénésie chorégraphique du geste originel. Griffure, dessin, photographie. Frénésie de la multiplication de l’image ainsi traquée. Dans l’atelier, les toiles et les livres-objets, les petits et les grands formats composent une image en mouvement. Une collection palpitante.

Une concrétisation de gestes, des techniques, des recherches plus ou moins patientes. Un dépôt provisoire, toujours provisoire, de techniques et savoirs. »

… et le poète et comédien, homonyme de Sandro, Vahé Godel, qui composa un douzain pour Sandro.

Que faire au bout du compte?
- gagner les combles
franchir la zone d’ombre
afin de percevoir
ce qui passe pour être l’horizon

Ouvrir les Yeux
Fermer la bouche
(plus un mot – chut)
ne plus bouger
se laisser fondre
dans la lumière du noire

ouvrir une voie d’eau
dans un désert de cendre

Vahé Godel
(Chêne-Bourgeries, 4 Décembre 2012)

Dès qu’il trace une ligne horizontale dans sa composition, qu’il le veuille ou non, l’artiste démarque le ciel et la terre en deux plan superposés. Cette perception cosmique de l’espace est chez lui récurrente. Nulle place pour le petit, le détail; il suggère l’essentiel, et le charpente à larges coups de brosse. Cette architecture traduit la force et la certitude du peintre. C’est ancré, c’est solide.

Cette constatation nous engage à évoquer la troisième dimension. celle de la profondeur, si évidente chez Godel. Il suffit de considérer telle ou telle peinture, à la hauteur des yeux, pour s’y projeter, à l’aise, la visite est gratuite.

Reste à évoquer le contenu de l’oeuvre qu’on pourrait résumer en abstraction poétique. Mais nous ne sommes pas vraiment d’accord sur ce concept car j’y décèle, entre autre, des paysages de pierres, des montagnes, d’immenses plaines avec des ciels chargées et magnifiques…

Pour Godel, la peintures est l’équilibre des forces, des énergies, des gestes à travers la couleurs ou le monochrome. Partir de rien. Les éléments surgissent en une quête d’équilibre par la révélation des forces qui s’imposent. Il faut trouver des solutions à travers la matière; suggérer la réalité, non forcément recherchée.

Monde minéral, montagne cosmogonique, sans recherche du réel. La peinture est émotionnelle. Peindre à l’aveugle pour découvrir au fur et à mesure ce qui se peint. Processus qui stimule l’artiste et le pousse à prendre des risques. Accepter l’aventure de la composition, l’alchimie des matières sur la toile.

« Je suis inondé d’intuitions. Ça va dans tout les sens. Être en alerte, à l'affut, jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose. Attendre… agir sans émotion. Attendre la force immanente qui dirige la main. Passer de la pensée à la non pensée par la méditation zen. »


Alain Petitpierre

Discours réalisé pour le vernissage de l’exposition de Sandro Godel au Musée d’art et d’histoire de Fribourg qui a eu lieu du 23 mai au 13 juillet 2014.